kinéblog.net

Reçu un mail me signalant un article publié sur www.lepost.fr (un jeune site d’information édité par Le Monde interactif), extrait:
” Refuser au patient les séances de kiné qu’il réclame, car il a dépassé son budget kiné?
- Non, ce n’est pas l’essence de ce logiciel, car il n’y a aucune restriction de soins en France!“
Ci-dessous l’article complet:

La sécu offre-t-elle aux médecins l’arme absolue pour vous fliquer?

Mercredi, deux informaticiens employés par la sécu vont m’installer un nouveau programme pour que je fasse la police sur les patients qui ont choisi librement d’entrer dans ma salle d’attente.

(Illustration: “Entrez donc chère Madame, installez-vous où vous pouvez, donnez-moi votre carte vitale, et accessoirement, mais surtout promptement, racontez-moi ce qui vous amène”)

Cela fait des mois que ma caisse me bassine avec ça alors que je n’en ai pas envie, mais je craque, car les multiples relances téléphoniques ont eu raison de ma ténacité.

Comment ça marche?

Il s’agit d’un logiciel qui se connecte au grand ordinateur de la CPAM du patient que j’aurai en face de moi, et qui m’affichera l’historique de tout ce qui a été remboursé dans l’année précédent sa consultation. Je saurai donc exactement ce que le malade a eu comme examens biologiques, radiologiques, scanners, IRM, médicaments, séances de kiné, cures thermales, transports en ambulance, bref, tout!

Officiellement, la caisse me dit que c’est pour “m’aider”. C’est bien la première fois depuis longtemps qu’ils veulent m’aider, méfiance… Ils expliquent qu’en cas d’oubli total par le patient des médicaments qu’il prend, au cas où je ne serais pas son médecin traitant bien sûr, qu’il aurait perdu tous ses doubles d’ordonnances précédentes, jeté toutes ses boites vides et que sa pharmacie serait fermée (et que ma tante en aurait…), que ce programme révolutionnaire lui seul me sauvera de cette périlleuse et “urgentissime” situation! Le reste est du même acabit, si le patient a mal au ventre et qu’il a déjà eu sa coloscopie et ne s’en souvient plus, je saurai qu’il l’a faite. Et alors? Et bien c’est tout.

Mais alors pourquoi une telle débauche d’énergie, de moyens financiers et humains pour installer tout ce bin’s?

Très simple, pour à terme je pense me “fliquer”.

Pour l’instant, une fois le programme installé, personne ne nous demande quoi que ce soit, aucune obligation, même pas d’installer le mouchard (pour ceux qui résistent encore). Puis, statistiques aidant (et invérifiables, comme d’hab), il se pourrait qu’on demande un jour au médecin de se transformer en contrôleur, qui devrait par exemple refuser au patient les séances de kiné qu’il réclame, car il aurait dépassé son budget kiné. Si le médecin prescrivait quand même, pas forcément par complaisance mais parce que c’est utile, c’est lui-même qui rembourserait la caisse du montant trop dépensé. Toutes les prescriptions seraient soumises à un contrôle et auraient un seuil qu’il faudrait respecter, sous peine d’être sanctionné.

La gestion hyper-comptable de votre santé serait alors en marche, et elle s’immiscerait au plus profond du système, au sein même de l’intimité de la relation médecin malade, relation basée sur la confiance mutuelle.

La médecine est un exercice compliqué et à part, dans lequel un plus un ne font pas deux, où chaque situation est unique et s’appréhende d’une façon toujours différente. Aucune de nos journées ne se ressemblent, et même en pleine épidémie de gastro, des cancers du colon sont assis tranquillement dans nos salles d’attente, avec des coliques et de la diarrhée comme les autres. Nos malades comptent sur notre vigilance, qui doit occuper tout notre esprit.

Si notre mission doit se réduire à “faire plaisir” à un programme informatique au point d’être rivé à l’écran sous peine de devoir payer nous-mêmes nos prescriptions redondantes, c’est toute une partie de la consultation qui nous échappe. Et je vous parie que pour la plupart d’entre nous, cela sera la partie essentielle.

L’ordinateur et la carte vitale ont déjà créé un obstacle à la relation, certains médecins semblant plus s’intéresser à leur écran qu’à leur patient. Cette saleté de bécane est en plus constamment en dérangement, voire en panne, et me fait perdre plus de temps que d’en gagner, un comble.

On fera les comptes de cette énième réforme du cabinet médical et de la destruction de la relation présumée de confiance entre un malade et son médecin. C’est très simple, plus un diagnostic est tardif, plus ça coûte cher. Moins on passe de temps avec le malade, moins il comprend, moins il se soigne bien, plus il dépense.

Les médecins vont-ils rajouter 5 minutes à chaque rendez-vous pour compenser le temps perdu à faire le tour de tous vos remboursements? Vous le croyez vraiment?

Contactée par Le Post, la Caisse Nationale d’Assurance Maladie répond aux inquiétudes énoncées ci-dessus…

Quel est le dessein de ce logiciel?
- “Ce service n’est pas du tout obligatoire pour les médecins. Il est entièrement dédié aux professionnels de santé, avant tout pour éviter les problèmes d’interactions médicamenteuses chez le patient, les examens redondants, et améliorer la qualité des soins… En effet, vous pouvez très bien être allé voir un autre médecin et ne pas vous rappeler du médicament qu’il vous avait prescrit, l’historique sera utile lors d’une nouvelle consultation!”

N’y-a-t-il pas un risque de déboucher vers un flicage du patient?
- “En aucun cas cela débouchera sur un flicage, et en aucun cas les médecins deviendront des contrôleurs. C’est scandaleux d’avoir encore ce genre de dialogues avec les médecins”…

Refuser au patient les séances de kiné qu’il réclame, car il a dépassé son budget kiné?
- “Non, ce n’est pas l’essence de ce logiciel, car il n’y a aucune restriction de soins en France!”

Comment fonctionne ce logiciel?
”L’historique des remboursements est un service en ligne permettant au médecin, avec l’accord de son patient et en sa présence, d’accéder aux remboursements de ce dernier sur les 12 derniers mois. L’accès à ce service se fait impérativement avec la carte de professionnel de santé (carte CPS), qui authentifie la connexion, ainsi qu’avec la carte Vitale du patient qui constitue la deuxième clé d’accès.”

Combien de médecins l’utilisent?
”Depuis 2007, 20.000 médecins en sont équipés…”

CONCLUSION PROVISOIRE: FUME C’EST DU BELGE