Les obstacles à l’émergence de l’éducation pour la santé et de l’éducation thérapeutique

Posted by kineblog on October 09, 2008

Superbe trouvaille, dĂ©gotĂ© sur le site de la FNES (FĂ©dĂ©ration Nationale des comitĂ©s d’Education pour la SantĂ©), que ce texte inspirĂ© (et inspirant), limpide et totalement Ă©clairant:
Les obstacles à l’émergence de l’éducation pour la santé et de l’éducation thérapeutique
Morceaux choisis:
- ” On a souvent affirmĂ© que la brièvetĂ© de la relation mĂ©decin-malade au cours d’une affection aiguĂ« expliquait son efficacitĂ©, et Ă  l’inverse que son allongement extrĂŞme en cas de maladie chronique Ă©tait la cause de sa disparition. C’est vouloir dire qu’il n’y a rien Ă  attendre du patient. En bref, qu’il n’y a qu’à espĂ©rer obtenir un rĂ©sultat avant que son manque d’implication ne vienne perturber le rĂ©sultat du traitement.
Cela signifierait que toute maladie chronique est vouĂ©e Ă  ne pas ĂŞtre bien traitĂ©e, non pas faute de traitements efficaces, mais faute de malades au niveau de ce que nous attendons d’eux ! Non seulement ce serait dĂ©sespĂ©rant, mais c’est radicalement faux !”
- ” …quand nous aurons analysĂ©, compris et que nous saurons correctement l’utiliser, l’éducation thĂ©rapeutique reprĂ©sentera sans doute le plus fort gisement de progrès thĂ©rapeutique dĂ©pourvu d’effets secondaires actuellement Ă  notre disposition.”
- ” Chacun sait pourtant qu’il y a pour chaque athlète des règles gĂ©nĂ©rales pour l’amener Ă  son meilleur niveau, et des applications particulières qui ne conviendront qu’à lui seul.
Cette notion fait la rĂ©putation et la fortune de certains entraĂ®neurs, mais lĂ  encore nous croirions dĂ©choir Ă  nous rĂ©duire Ă  de telles procĂ©dures, quelle que soit la puissance des preuves de leur efficacitĂ©.”

NB: c’est sans doute Ă  cet endroit, auprès de chaque patient, non plus athlète (sinon que du quotidien) que s’insère l’action la plus sous-estimĂ©e (car peu Ă©valuĂ©e et mal payĂ©e, mal payĂ©e donc peu pratiquĂ©e) du masseur-kinĂ©sithĂ©rapeute…

Les obstacles à l’émergence de l’éducation pour la santé et de l’éducation thérapeutique
Par Jean-Louis San Marco

Les réflexions autour de l’éducation thérapeutique (ET) et de l’éducation pour la santé (EPS) réunissent aujourd’hui un nombre croissant de participants, preuve de l’intérêt qu’elles suscitent. Les travaux portant sur ces deux notions se multiplient.

Une preuve solide de cet intérêt, outre la richesse de la bibliographie traitant de ces sujets, est représentée par le fait que quatre structures publiques nationales et non des moindres y sont massivement engagées : la Haute Autorité de Santé (HAS) le fait au nom de sa responsabilité dans les bonnes pratiques de soins, l’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé (INPES) y trouve une de ses missions statutaires et une de ses priorités, la Direction Générale de la Santé (DGS) le fait dans le cadre de l’amélioration de la qualité de vie des malades chroniques et la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS) lance un programme de soutien téléphonique des diabétiques de type 2 par des infirmières « accompagnatrices »…

Mais ils ont dans leur quasi-totalité une approche essentiellement technique. Le tout sans coordination, en tout cas aucune coordination qui dépasse le niveau d’annonce officielle.

Il n’y a en effet aucune autorité centrale reconnue par tous comme fédératrice pour les coordonner. Alors que de son côté, l’industrie pharmaceutique déploie d’énormes efforts pour investir le champ de l’éducation thérapeutique en espérant y trouver un important gisement de bénéfices indirects.

Le résultat, c’est une série de guerres picrocolines qui désespèrent et démotivent parfois le minuscule milieu concerné. Nombre de textes publiés concernent les références conceptuelles et les modalités d’application de ces deux types d’éducation. Les autres présentent les résultats d’expériences lancées par des cliniciens engagés, qui considèrent comme acquis la nécessité de cette éducation et ne s’en expliquent pas plus. La passion n’est souvent pas absente des articles publiés, comme il est fréquent quand on traite de thèmes nouveaux.
Ceci est surtout vrai de l’éducation thérapeutique, dont l’installation implique une éventuelle modification radicale des modalités de délivrance des traitements.

Nous nous trouvons de fait devant un volcan en phase pré-éruptive.
Dans le cratère, la lave bouillonne. Tout autour du volcan, la population est en effervescence, partagée entre l’attente, l’angoisse et l’espérance de la fécondation secondaire. Alentour, le reste du pays vit dans une indifférence totale et bien surprenante.

Pourquoi ne sont-ils pas tous plus intéressés par un sujet si passionnant, alors qu’une explosion est proche, et que ses conséquences seraient potentiellement extraordinaires ?

De plus, ces approches techniques ne permettent pas de répondre à deux questions fondamentales quant au devenir de l’éducation thérapeutique (ET) et de l’éducation pour la santé (EPS) :

Pourquoi ET et EPS sont-elles devenues nécessaires et pourquoi aujourd’hui ?
Et si elles sont devenues aussi nécessaires que l’affirment leurs zélateurs, comment expliquer alors qu’elles ne soient pas plus
largement enseignées, développées, appliquées et reconnues par l’ensemble des acteurs de santé ? En d’autres termes, quels sont les obstacles à leur généralisation, qu’il est indispensable d’identifier si nous souhaitons vraiment les lever, plutôt que de
nous intéresser à leurs seules modalités d’application ?
Nous pouvons distinguer des obstacles culturels, fondamentaux, et des obstacles structurels plus conjoncturels. Il faudra repérer et identifier les premiers avant d’espérer les réduire. La disparition des obstacles culturels devrait ensuite faire apparaître comme nécessaire et possible la suppression des obstacles structurels. Ceux-ci devraient être moins difficiles à réduire si nous répondons toujours positivement à la question de la nécessité de l’éducation thérapeutique comme de l’éducation pour la santé.

1 -La nécessité nouvelle de l’éducation thérapeutique

La première cause de ce blocage est souvent attribuée à la prééminence de la réflexion thérapeutique dans le domaine sanitaire, et plus précisément du soin d’une maladie aiguë.

Le soin d’abord – et plus précisément le soin bref – a résumé la réflexion sur les problèmes de santé depuis de nombreuses années.
Cette réflexion curatrice et thérapeutique occupe une place si prépondérante dans notre culture médicale que cela peut expliquer la place très faible laissée à toute autre approche. La représentation d’un problème sanitaire est simple : l’affection une fois déclarée, le diagnostic est posé et le traitement adéquat en découle. Il suffit alors de l’appliquer pour qu’il démontre son efficacité.

Il a fallu que l’efficacité thérapeutique attendue ne découle pas toujours systématiquement d’une procédure aussi parfaite pour qu’on soit amené à explorer d’autres approches. La réflexion sanitaire reste en effet dominée aujourd’hui par les notions curatrice et thérapeutique, toute autre approche restant très marginale ; la notion de prévention par exemple est très minoritaire.

D’ailleurs, si l’éducation du patient semble devenir utile, ça n’est qu’en deuxième intention, lorsqu’une efficacité incomplète du traitement prescrit la rend nécessaire. Elle apparaît alors comme un moyen éventuel de renforcement d’une efficacité thérapeutique insuffisante. Notre société vit encore aujourd’hui dans l’idée de la toute puissance du traitement.

De plus, l’efficacité thérapeutique est trop récente pour que nous ayons perdu notre admiration révérencielle pour le soin et pour que nous ayons ressenti le besoin d’explorer d’autres approches. Cette efficacité n’est apparue qu’au cours du siècle dernier, après des siècles d’inefficacité quasi totale. Jusque là, l’attitude médicale était alors faite d’une description clinique particulièrement fine ainsi que d’un accompagnement empathique peu ou pas efficace.

C’est la pathologie infectieuse qui a fait les frais de l’émergence de l’efficacité, alors qu’elle était la première cause de morbidité et de mortalité.
Ensuite, l’efficacité a été croissante vis à vis de pathologies souvent mortelles et elle a généré l’adoption de l’ordonnance et de la prescription – les mots ne sont pas neutres – dans le cadre d’un traitement bref dont on pouvait enfin espérer qu’il débouche sur la guérison, rapide, du patient dès lors qu’il se pliait à nos ordres. Le contrat implicite était simple, son efficacité le rendait lumineux. La représentation de la maladie était linéaire : un agent, un sujet, un contact, une affection ; Nous y avons ajouté l’intervention thérapeutique, intervention qui devait déboucher sur la guérison.
Cette restriction strictement biomédicale de la représentation du problème était parfaitement opératoire et a donc été universellement utilisée. Elle reste largement majoritaire parmi le personnel soignant.

Dès lors qu’il est prescrit et correctement suivi le traitement doit être efficace ; tout le reste est littérature ! Peut-être n’est-il pas toujours suivi comme il devrait l’être et il faut alors en expliquer l’intérêt au patient. Car c’est son intérêt de bien suivre son traitement, nous allons donc lui expliquer pourquoi il doit être « observant » c’est-à dire obéir à nos ordres, lesquels lui sont donnés pour son bien. Et nous allons rencontrer la première incompréhension majeure dans ce domaine : la confusion fréquente entre explication et éducation, laquelle débouche elle-même sur une confusion autrement délétère, celle entre soumission et adhésion.

Lorsque l’efficacité attendue ne découle plus aussi complètement que souhaité d’un traitement pourtant bien choisi, nous sommes amenés à supposer que le traitement n’est pas parfaitement suivi.
Il apparaît alors parfaitement licite, et les médecins acceptent facilement de le faire, d’expliquer la situation au patient pour obtenir plus facilement son adhésion. Celle-ci n’était pas strictement indispensable mais elle semblait aller de soi devant la démonstration sans équivoque de l’efficacité du traitement. Ils informaient succinctement leur patient du problème et de sa solution rapide et univoque, dès lors qu’il accepterait de se plier à leurs ordres. La guérison était au bout. Le contrat médecin-malade était, il l’est encore le plus souvent, basé sur l’obéissance stricte du patient, en échange de quoi sa guérison est assurée et rapide. L’idéal dans ce cadre était le malade couché – clinique vient de clinos qui signifie couché. Ou mieux encore, hospitalisé, sans la moindre autonomie et contraint à une obéissance absolue. S’il devait rester à son domicile, ce qui est le plus fréquent et bien plus économique, il suffisait pour assurer le respect de ce contrat de lui démontrer à quel point son obéissance déboucherait sur un résultat rapidement. Toute autre approche – psychologique, morale ou affective – restait étrangère à un problème purement biomédical et qui devait le rester pour être simplement résolu. Il n’y a pas beaucoup de façons d’obéir et tout le monde avale un comprimé ou reçoit une piqûre à peu près de la même façon.

Les médecins pourtant n’étaient pas naïfs et ont adapté leurs prescriptions aux obstacles dont ils ont appris qu’on pouvait les
rencontrer chez des patients parfois rétifs à des explications et à des ordres, même s’ils savaient pertinemment que ceux-ci leurs étaient bénéfiques. Les médecins ont vite appris à gérer les petits détails techniques (dysphagie, mémoire défaillante…) qui pouvaient venir perturber une prise de médicament optimale.

Ils ont appris aussi que si la structure psychologique du patient, son sexe, son âge, ne jouaient aucun rôle dans sa façon d’ingérer un médicament, ils influaient assez vite et de plus en plus fortement au fil de l’évolution favorable de l’affection sur le fait de continuer ou non à prendre ce traitement avec la même régularité. L’évolution est certes brève mais elle dure quand même quelques jours, voire quelques semaines. Même dans les cures brèves, l’obéissance s’émousse d’autant plus vite que l’état clinique s’améliore ; il suffit alors de prescrire huit jours de traitement quand cinq sont nécessaires pour que la guérison soit obtenue, en misant sur un « abandon » moyen, à quelques approximations près…

Si le traitement devait être plus long, atteignant voire dépassant plusieurs mois, les médecins se voyaient obligés – en maintenant le même schéma d’ordres donnés et de traitement subi – d’enfermer les patients dans des structures de soin au long cours, s’assurant par la contrainte de leur obéissance. Les tuberculeux se sont retrouvés pendant des mois voire des années enfermés dans des sanatoriums, gages de leur obéissance. Les sanatoriums n’avaient pas d’autre justification. Nous voyons mal ce que pouvait apporter à ces malades, plus qu’à d’autres bien plus contagieux ou porteurs de germes plus
dangereux, l’isolement, l’air pur ou l’altitude… En fait une structure de type carcéral semblait indispensable pour éviter que la durée du traitement n’émousse leur obéissance. Nous avons ainsi renouvelé le principe du Grand Enfermement du 17ème siècle, cette fois-ci dans un but d’efficacité thérapeutique (efficacité qui ne pouvait passer que par l’obéissance) et non plus de seule esthétique sociale poursuivie au Grand Siècle…

Cette efficacité curatrice indiscutable et nouvelle ne poussait pas à rechercher d’autres solutions. Pourquoi proposer des précautions particulières pour éviter l’épisode pathologique ? Pourquoi chercher une alliance avec un patient à l’évidence convaincu de l’intérêt de nos propositions ou que nous pouvions contraindre à suivre ? Seules les vaccinations, quand elles étaient possibles, permettaient d’éviter la survenue de l’infection concernée et de porter ailleurs nos efforts
thérapeutiques. Toutes les vaccinations qui étaient disponibles ont donc été rendues obligatoires : nous n’allions pas nous contenter de proposer ce geste à des sujets dont nous n’avions pas de raison de penser qu’ils puissent être capables de réflexion et d’initiative.

Et puisque le traitement réglait le problème dès lors que le diagnostic était posé, il était inutile de chercher d’autres voies vers la santé, synonyme de guérison. Un diagnostic de plus en plus précoce grâce à l’efficacité des médecins, des outils thérapeutiques de plus en plus efficaces grâce à l’industrie pharmaceutique : inutile de demander au sujet d’autre participation que son obéissance religieuse à nos prescriptions.

L’apparition de l’efficacité thérapeutique infectieuse a coïncidé avec l’institution de l’assurance maladie. Cette concomitance a favorisé l’amélioration de la santé de notre population ainsi que la constitution de la situation actuelle. Une relation brève, un diagnostic relativement simple, une courte surveillance thérapeutique : cette activité resserrée s’accorde bien avec le paiement à l’acte. Ceci peut sembler très étranger à notre réflexion. Nous verrons plus tard qu’il n’en est rien.

On comprend cependant pourquoi notre société dans son ensemble a une vision très restrictive de l’éducation thérapeutique et réduit l’éducation pour la santé à sa plus simple expression : dans ces conditions, éducation thérapeutique et éducation pour la santé sont l’une comme l’autre quasiment inutiles…

2 – Le poids du traitement des affections brèves

On a souvent affirmé que la brièveté de la relation médecin-malade au cours d’une affection aiguë expliquait son efficacité, et à l’inverse que son allongement extrême en cas de maladie chronique était la cause de sa disparition. C’est vouloir dire qu’il n’y a rien à attendre du patient. En bref, qu’il n’y a qu’à espérer obtenir un résultat avant que son manque d’implication ne vienne perturber le résultat du traitement.

Cela signifierait que toute maladie chronique est vouée à ne pas être bien traitée, non pas faute de traitements efficaces, mais faute de malades au niveau de ce que nous attendons d’eux ! Non seulement ce serait désespérant, mais c’est radicalement faux !

La pathologie infectieuse n’est peut-être pas aussi bien contrôlée que les spécialistes l’ont cru pendant de nombreuses années ; quelques virus redoutables et de nouveaux agents infectieux sont venus nous ramener à la modestie. Mais le risque infectieux, dans le monde occidental en tous cas, n’est plus au premier rang de nos préoccupations. Cependant l’ensemble de la relation thérapeutique médecin-malade, qui avait fait preuve de son efficacité, est resté du modèle adapté à ce type de problème.

La relation médecin malade était quasi verticale. Aucune participation du patient n’était nécessaire, sauf son obéissance aux
ordres justifiée par notre connaissance et notre efficacité. Et cela même si cette obéissance était plus ou moins facile à obtenir et qu’elle disparaissait vite avec l’amélioration du tableau clinique.

Nous savions, ils obéissaient, nous les guérissions !

Alors, aucun besoin d’une participation active du patient à cette guérison, et moins encore du sujet sain au maintien de sa santé ?

Il n’y en avait pas eu le moins du monde besoin pendant la très longue période de totale inefficacité, il n’y en avait pas plus besoin lorsque l’efficacité est devenue exclusivement thérapeutique et curatrice, extérieure au patient et fondamentalement étrangère au sujet sain. Tout allait pour le mieux et les médecins, comme les autres, sont suffisamment réticents au changement pour ne pas avoir eu grande envie de chercher une autre modalité relationnelle, malgré l’apparition etl’aggravation d’une relative inefficacité thérapeutique devant les pathologies chroniques, les plus fréquentes aujourd’hui.

Ce manque d’efficacité surprenant ne pouvait vraisemblablement pas venir des médicaments, de plus en plus puissants au cours des années dans les pathologies qui sont maintenant les plus souvent en cause : diabète, hypertension, hypercholestérolémie, insuffisance cardiovasculaire, asthme…. Toutes pathologies marquées par leur caractère chronique, à l’inverse des pathologies infectieuses d’hier.

C’est dans ce caractère chronique qu’il faut chercher la cause de l’inefficacité thérapeutique. La disparition de la brièveté de la relation est le plus souvent mise en avant pour expliquer la perte d’efficacité.
L’obéissance initiale lors d’une affection aiguë diminue très rapidement, au bout de quelques jours à peine.
D’ailleurs, il semble normal que l’obéissance finisse par disparaître quand absence de perspective de guérison et traitement long se conjuguent. Il faut pourtant prendre en compte un autre aspect que la durée. Sans que cela soit totalement différent, la prise en compte de la seule dimension logique de l’individu, sans aucune nécessité et donc sans référence aucune à sa dimension affective, explique pour une large part le déséquilibre des médecins dans la prise en charge des malades chroniques, au long terme, certes, mais qui surtout implique la participation de toutes les dimensions du patient, biomédicale, logique et affective…

La relation médecin-malade au cours d’une maladie aiguë était d’abord et fondamentalement brève, basée sur la certitude de la guérison, laquelle justifiait sa deuxième caractéristique. Elle était aussi scandaleusement asymétrique et verticale. Mais nous acceptons qu’il en ait été ainsi par souci d’efficacité et d’économie de la part du médecin : pourquoi s’engager dans la recherche d’une participation puisque nous n’en avions pas besoin ! Nous nous en sommes donc passés, et nous avons de surcroît affirmé qu’il était inutile de vouloir faire autrement !

La troisième caractéristique, moins fondamentale mais plus perturbante, est que les médecins ont pu croire que les explications qu’ils fournissaient pour accompagner leurs soins et les rendre plus acceptables pouvaient tenir lieu d’éducation. Par exemple, les modalités d’action d’une molécule – bactériostatique ou bactériolytique – la voie d’élimination d’un produit urinaire – digestive ou mixte …!

Traitement bref, relation verticale, fausse éducation, il est toujours plus difficile de corriger une mauvaise position que d’en acquérir une nouvelle ! Le fond du problème est là.

L’éducation thérapeutique, la vraie, pas seulement quelques explications ponctuelles, est maintenant indispensable. Mais elle est rendue particulièrement difficile par nos approximations antérieures.

Maintenant, avec un malade « à perpétuité », vingt-quatre heures sur vingt-quatre, trois cent soixante-cinq jours par an, et que nous ne rencontrons que de temps à autre, régulièrement mais avec de longues séparations pendant lesquelles il est seul en première ligne, nous sommes bien obligés de « faire avec », de le laisser prendre régulièrement des décisions. Nous ne pouvons envisager aucun traitement sans sa participation permanente, sauf à accepter la certitude d’un échec thérapeutique.
Ce n’est plus sur son obéissance que nous pouvons nous appuyer, c’est son adhésion qu’il importe d’obtenir. Il faut donc lui expliquer ce qu’on attend de lui, négocier avec lui comment atteindre l’objectif d’un traitement optimal, destiné à obtenir le meilleur résultat. Mais cette position est basée sur l’hypothèse inverse de celle qui sous-tendait notre activité depuis des années. Le malade dans ce schéma est capable de réflexion, de décisions et de participation, dès lors que nous lui proposons de le faire. Nous recherchions un patient obéissant et soumis, nous allons désormais chercher à nous faire un allié d’une
personne susceptible de réflexion, et dotée de compétences que nous lui reconnaissons enfin ! Notre objectif – atteindre un meilleur résultat – repose maintenant sur la recherche d’une alliance où nos rôles respectifs sont définis.

Chaque individu a des compétences dans la gestion de sa santé. Notre rôle est de les renforcer et les mobiliser.

Mais pour cela il faut la rendre réalisable en faisant de cet allié nécessaire un allié efficace. Là, entre en jeu l’éducation que nous allons lui donner. Dès lors, elle n’est plus un supplément mais la base indispensable, le socle de notre action commune. Nous touchons du doigt l’un des principaux obstacles à la généralisation de l’éducation thérapeutique : l’obstacle conceptuel.

Aujourd’hui, la très grande majorité des malades est traitée pour des maladies chroniques : diabète, asthme, hypertension,
hypercholestérolémie… Les traitements spécifiques de ces affections existent et ils sont de plus en plus efficaces. Mais ils ne guérissent pas le malade dont l’évolution devient au mieux, s’il se soigne correctement, proche de celle d’un sujet sain.

Formés à l’école de la pathologie brève à la guérison assurée, à une représentation purement biomédicale et exclusivement logique du problème posé, les médecins appliquent aux pathologies chroniques les méthodes qui ont fait leurs preuves dans les affections aiguës. Ils ordonnent, ils prescrivent. Et ils s’étonnent du manque de participation des patients.

Car si médecins et malades s’accordaient sur la représentation de l’infection brève, la représentation qu’ils ont d’une maladie chronique est radicalement différente. Pour les médecins, il s’agit d’une affection de longue durée dont il faut tenter de ralentir l’évolution vers l’aggravation. Mais ils ne savent pas encore comment adapter leur action et ils agissent comme ils ont appris à le faire auparavant.
Pour les seconds, c’est une maladie qui va perturber leur existence dans les domaines qui leur tiennent le plus à coeur, tous les jours, toutes les heures, et jusqu’à leur mort…

Leur participation au trouble supplémentaire, que représente d’abord le traitement, est donc loin d’être acquise. Devant l’efficacité très relative de leurs ordres, les médecins se sentent obligés d’expliquer les raisons de ces ordres. Ils démontrent la logique de leurs prescriptions … et se retrouvent totalement déstabilisés par l’inefficacité quasi totale de leurs démonstrations. « Pourtant, c’est pour leur bien ! Mais ils ne font pas ce que je leur dis de faire, malgré mes explications ! Malgré l’éducation que je leur donne ».
Ils oublient une notion fondamentale : un être humain possède une épaisseur, une spécificité, des réactions émotives qui sont sa réalité profonde et qu’il importe de prendre en compte. Lors d’une affection aiguë, souvent explosive, douloureuse, invalidante, mais dont il sait l’amélioration rapide et la guérison assurée s’il se plie à quelques contraintes, il arrive à oublier -et à nous faire oublier -qu’il a bien d’autres dimensions que la seule dimension biomédicale, pasteurienne à laquelle nous le réduisions, car cette réduction était compatible avec la gestion efficace d’une infection microbienne courte. Un streptocoque, un sujet, une pénicilline et tout est dit en quelques jours. Jeune ou vieux, optimiste ou pas, introverti ou hystérique… il n’y guère de façons de prendre ses antibiotiques. Les rares obsessionnels les prendront le nombre de jours prescrits, les autres en réduiront la prise plus ou moins vite, plus ou moins régulièrement… On a dit comment, en augmentant la durée de prescription au-delà de la durée nécessaire à l’efficacité thérapeutique nous avons cru résoudre ce problème.

Il est vrai que le traitement des angines blanches a supprimé le rhumatisme articulaire aigu et que la pathologie valvulaire n’est plus dans notre pays qu’un lointain souvenir. Il ne faut cependant pas chercher ailleurs l’émergence de la résistance des germes aux antibiotiques. Trop souvent prescrits certes, mais surtout presque toujours insuffisamment consommés, ils ont supprimé la majorité des germes présents, au point de guérir le patient, mais les germes les plus solides ont été sauvés et se préparent pour la prochaine invasion.

L’introduction de la notion de durée, au contraire, implique la mise en jeu de la totalité des caractéristiques d’un individu :

Sa dimension biologique est toujours au premier plan : valeur de la glycémie ou du taux de cholestérol, chiffres de la pression
artérielle…

Sa dimension intellectuelle et sa construction logique Ă©galement.
Il sait ce qui est bon pour lui, et ce qui l’est moins.

Mais -et c’est presque un scoop pour les médecins-il est aussi régi par un principe de plaisir : manger, boire ou fumer, par exemple mais il y a bien d’autres dimensions.

Et surtout, il a une opinion sur tout ce qui le concerne. Cette maladie est-elle vécue par lui comme une simple gêne qu’il faut
réduire ou comme une véritable honte qu’il lui faut cacher, dans le premier cas il va faire ce qu’il faut pour la diminuer, dans le second la seule idée du diagnostic lui est si insupportable qu’il préfère nier le problème plutôt que lui faire face, ce qui lui semble trop douloureux.

Le médecin est-il celui qui l’aide et le soutient ou est-il le complice de cette véritable trahison de son corps ? Le médicament est-il vécu comme un moyen d’améliorer son état ou comme la marque infamante de cette maladie, honteuse et mortifère ?

Ne pas prendre en compte ces aspects, propres à chacun d’entre nous et qui vont déterminer notre comportement vis-à-vis de la maladie comme du traitement, c’est se condamner à ne soigner correctement que les sujets qui n’ont pas vraiment besoin de notre aide.
A l’inverse, pénétrer dans l’intimité psychologique de chaque diabétique et de chaque hypertendu, doubler chaque spécialiste de ces affections d’un psychiatre qui va analyser ses relations à sa mère et à son père… Incursion injustifiée dans l’intimité ou coûteuse inefficacité, on ne sait trop ce qui est le pire.

L’équilibre est difficile à trouver. Il n’y a pas de solution uniforme. Il faut donner à chacun de nos malades les moyens – et les raisons –de se soigner comme il le souhaite. Y compris de ne pas se soigner, s’il l’estime préférable. Ce qui est difficile à entendre et à accepter pour un médecin dressé à soigner, à tout prix.

Ces notion sont maintenant bien admises dans le milieu des éducateurs thérapeutiques. Après JP ASSAL, ils ont admis les phases psychologiques qui suivent l’annonce du diagnostic : le déni, la révolte, le deuil, avant la possible prise en charge que nous devons accompagner. Ils savent que le médicament peut avoir la représentation positive d’un lien avec la santé, ou au contraire celle d’un marqueur d’échec et de mort annoncée.
On pourrait donc croire le problème quasi résolu, en attente seulement d’un changement un peu long à venir en raison des
modifications importantes du comportement des médecins et des malades. Il n’en est rien car d’autres obstacles nous attendent.
L’éducation, dans quelque champ qu’elle s’applique, a comme objectif d’aboutir à l’autonomie du sujet éduqué. A lui fournir la
possibilité d’utiliser à son profit des compétences dont il ne se savait pas porteur, qu’on va lui révéler et porter ensuite à leur meilleur niveau. Dans le champ sanitaire cette éducation est sensée obtenir le meilleur niveau de santé possible pour le sujet, quel que soit le niveau de départ.

Pourtant notre société réduit encore souvent l’éducation pour la santé à l’apprentissage des grandes règles d’hygiène et l’éducation thérapeutique, lorsqu’elle semble susceptible de renforcer l’efficacité thérapeutique, au pire à l’apprentissage de gestes qui libèrent le patient de la présence des soignants (prise de la tension, surveillance de la glycémie…), au mieux à l’amélioration de l’observance thérapeutique. En arrière fond, il y a une notion de la santé qui ne peut être que « délivrée » et l’être ponctuellement par ceux qui savent, à ceux qui n’ont pas à savoir. Dans cette acception le terme de santé est souvent considéré abusivement comme synonyme de soin.
On parle ainsi de système de santé, de coût de la santé là où il y a système et coût de soins ! Que dire de l’absurdité du « droit à la santé » là où il ne peut y avoir au mieux qu’un droit à l’accès aux soins… Cette acception abusive du terme de « soin-santé » permet d’y inclure aussi bien la prévention que l’éducation, réduite à l’apprentissage le plus basique.
Cette conception paraîtrait scandaleuse si elle était appliquée à l’éducation générale, cela la réduirait à la seule acquisition de
connaissances. Que celle-ci soit indispensable, chacun en convient.
Mais elle ne peut résumer à elle seule la totalité des objectifs de l’éducation. Il faut que ces connaissances débouchent sur des compétences et sur la capacité à les utiliser.
Pire encore cette éducation serait ponctuelle, itérative et ne serait régulièrement justifiée que par l’apparition répétée de nouveaux problèmes à résoudre… Autant dire que nous serions dans une optique d’échec pratiquement programmé.
Dans le champ de la santé un sujet éduqué, quel que soit le niveau de sa santé, devra pouvoir, par lui-même, mieux gérer sa santé que ne le ferait un sujet non éduqué. S’il est malade, la qualité de l’observance thérapeutique sera un bon marqueur de son niveau d’éducation. Un marqueur, pas un objectif. L’objectif étant l’obtention et le maintien d’un niveau optimal de santé, grâce à sa participation à sa gestion et à l’apprentissage de l’anticipation des décisions qui concernent sa santé.

3 – Les obstacles conceptuels à l’éducation dans le champ de la santé

Certes les affirmations d’intérêt en faveur de l’éducation thérapeutique sont nombreuses et en apparente contradiction avec
cette présentation pessimiste du problème. Mais quatre exemples tirés du monde des thérapeutes, correspondant à des visions croisées du rôle possible et nécessaire du patient dans la gestion de son affection montrent que ces investissements se résument pour l’instant à de simples affirmations de façade.

L’éducation thérapeutique n’a pas de représentation dans la société, elle n’en a guère plus dans le monde soignant. Les quatre exemples portent sur :

1) la représentation de l’effet placebo,

2) la prise en compte de l’homéopathie,

3) la différence de la prise en charge des patients souffrant d’addiction avec ceux présentant une affection chronique,

4) et enfin l’absence quasi totale de référence au « coaching » des patients…

Ces exemples nous semblent par leur cohérence entre eux et leur
orientation uniforme malheureusement très parlants.

1) Qui se préoccupe vraiment de l’effet placebo, en dehors des pharmacologues qui lancent un essai thérapeutique et qui déploient d’énormes efforts (tirage au sort, appariement, double aveugle…) pour éliminer un effet suffisamment important pour leur interdire, quand il est laissé en place, de mesurer valablement la différence entre les molécules A et B, seul objet de l’étude. Ils sont seuls à reconnaître à cet effet une puissance telle qu’il rend impossible la comparaison de deux molécules, si on ne s’en est pas débarrassé auparavant. Placé ensuite en situation de traiter, le médecin feint à son égard la plus grande indifférence ! On enregistre souvent des résultats inattendus, qui ne peuvent pas être mis au crédit des molécules utilisées, mais on enregistre cela sans que cela ne déclenche la moindre interrogation. On s’en réjouit, sans plus ! Il faut analyser notre opinion sur l’effet placebo à l’aune de l’inefficacité qui a été la nôtre d’Hippocrate à Jean Bernard. Il y avait parfois des patients qui guérissaient en « faisant mentir la Faculté », sans qu’on comprenne pourquoi. Qu’ils aient pu mobiliser leurs capacités d’autothérapie, aidés parfois par un soignant particulièrement empathique ne faisait que souligner notre inefficacité et relevait de forces obscures qu’il valait mieux ne même pas évoquer.

Il reste encore de cette crainte dans notre apparente indifférence.
Combien pourtant de miracles thérapeutiques entrent-ils dans ce cadre ? La question ne sera pas posée pour ne pas déclencher de polémique.
Revenons à l’éducation thérapeutique : il ne vient à l’esprit de personne d’envisager son effet possible. Alors que quand nous aurons analysé, compris et que nous saurons correctement l’utiliser, l’éducation thérapeutique représentera sans doute le plus fort gisement de progrès thérapeutique dépourvu d’effets secondaires actuellement à notre disposition.

Si nous voulions vraiment éduquer nos patients il faudrait leur apprendre à mobiliser cette force impressionnante, aujourd’hui
totalement négligée. Mais il faudrait surtout une confiance dans les compétences potentielles du patient qui manque à la majorité de notre société, aux références exclusivement biomédicales.

2) Que dire de l’homéopathie, procédure évidemment efficace dans certains domaines bien qu’elle emploie des produits qui sont eux-mêmes dépourvus de la moindre efficacité ? Vaut-il mieux une complicité honteuse et un peu molle mais confortable qu’une analyse précise d’un phénomène qui gagnerait à être analysé de la même façon et avec la même rigueur que l’effet placebo ? Chacun d’entre nous est capable d’auto-thérapie. Il faut tenter d’en comprendre le mécanisme et d’en préciser les limites. Une bonne éducation améliorerait notre état de santé et réduirait le besoin de soins. Et il ne faudrait pas opposer cette procédure à l’usage de thérapeutiques classiques.
A un diabétique insulinodépendant, il faut de l’insuline. Mais les modalités de prescription vont influer sur la dose nécessaire et plus encore sur le résultat à long terme de la prise en charge.

3) L’entretien motivationnel est une procédure classique dans la prise en charge des patients souffrant d’addiction. Personne ne peut décider à la place du patient d’interrompre la consommation du produit dont il est devenu dépendant. Mais nous pouvons l’aider à prendre cette décision. Des techniques ont été mises au point pour cela, comme l’entretien motivationnel mis au point pour les fumeurs et les alcooliques. Est-il raisonnable de croire qu’il est plus facile de modifier ses habitudes alimentaires vis-à-vis du sucre ou des graisses que vis-à-vis de l’alcool ?

Mais un médecin classique croirait déchoir à utiliser des procédures réservées à ses yeux à de tels patients. Ils ne sont pourtant guère différents et nous gagnerions tous à ce partage d’expériences!

4) Et pratiquement personne ne fait le rapprochement entre un malade chronique et un athlète qu’il va falloir entraîner pour en tirer le meilleur.

Chacun sait pourtant qu’il y a pour chaque athlète des règles générales pour l’amener à son meilleur niveau, et des applications particulières qui ne conviendront qu’à lui seul.
Cette notion fait la réputation et la fortune de certains entraîneurs, mais là encore nous croirions déchoir à nous réduire à de tellesprocédures, quelle que soit la puissance des preuves de leur efficacité.

4 – Les obstacles conjoncturels

Nous avons souligné la survenue simultanée de l’efficacité dans le traitement des maladies infectieuses et du paiement à l’acte. Ils relèvent de la même problématique. Un acte bref, réglé financièrement au coup par coup. Rien de semblable dans le
traitement d’une maladie chronique.

Il y a pratiquement incompatibilité entre le paiement à l’acte et la prise en charge au long terme d’une affection longue, nécessitant des contacts répétés, à un rythme imprévisible, fonction de l’évolution spécifique de l’affection. Le paiement à l’acte interdit la conception longue de la prise en charge et induit inéluctablement un biais de multiplication inutile des actes ou au moins de la suspicion d’une telle multiplication. La proposition de la CNAMTS de prendre en charge des infirmières accompagnatrices téléphoniques qui appelleraient régulièrement les patients pour s’assurer de leur bonne observance du traitement et de sa surveillance et relègueraient les médecins en acteurs de l’action critique, lors de phases aiguës pousse à l’extrême l’opinion selon laquelle les médecins ne savent pas s’impliquer dans le temps.

Il y a derrière cette proposition la certitude que si l’éducation est peut-être nécessaire, le médecin est le dernier à pouvoir la délivrer.
D’ailleurs il n’est pas formé à ça. Lui est curateur et thérapeute, et thérapeute bref. Toujours la vielle séparation, qui montre là une bonne part de ses méfaits, entre soin et santé publique.

Mais si la prise en charge correcte d’une affection chronique s’adapte mal au paiement à l’acte, ce dernier est consubstantiellement incompatible avec une action éducative. Celle-ci ne se conçoit que dans le temps, avec un programme de formation progressif et une prise en charge au « forfait éducatif ». C’est la seule voie réaliste.

La « consultation éducative » est encore plus irréaliste que ne l’est la « consultation prévention ». Elle reste dans la même représentation du médecin « intervenant court », qui ne peut que multiplier les actions brèves et s’avère incapable de se projeter dans l’avenir !
Plutôt que de multiplier les arguments prenons un exemple dans un autre domaine. Que penserait-on de la proposition de rémunérer les professeurs des écoles à l’heure de cours ? Bien entendu les enseignants du secondaire, rémunérés selon la même modalité, verraient leur heure de cours payée plus cher ! Et que dire des professeurs d’Université ??? Plus de programme, plus d’année scolaire : seulement des heures de cours, à la demande ! A la demande de qui d’ailleurs ? La question ne sera même pas posée !

Au nom de quoi ce qui paraît évidemment absurde dans l’enseignement général le serait-il moins dans l’éducation thérapeutique.

Ce n’est pas le soin qui est l’obstacle majeur à la généralisation de l’éducation et de la réflexion préventive, c’est le soin bref, délivré et qui ne nécessitait que l’obéissance au mieux, au pire la passivité du sujet. Il était né récemment et a guidé notre formation. Il pouvait se contenter d’une relation très réductrice, linéaire, et verticale.
Très éloignée de la relation humaine la plus banale : l’efficacité à court terme appelle cette « caporalisation » des rapports : « Pas une tête qui dépasse, en avant ! Marche… » Le soin long au contraire, pour une maladie dont on ne guérira pas, impose pour être bien géré la participation active du sujet. Laquelle ne va pas de soi ! C’est là qu’intervient l’éducation du sujet. Il faut le convaincre qu’il peut agir, qu’il en a les moyens, la compétence de base qu’on va enrichir pour la rendre puissamment efficace, faire qu’il sache gérer sa santé.

La notion d’éducation thérapeutique, appliquée d’abord au diabète est née il y a plus de trente ans et s’est étendue d’une part aux autres maladies chroniques, d’autre part à l’ensemble de la population et c’est comme cela qu’est née l’éducation pour la santé.

Il serait dommageable pour tous d’éliminer les médecins de l’éducation thérapeutique au mauvais prétexte qu’il y faut une
rémunération correcte et qu’ils ne conçoivent qu’une rémunération à l’acte. C’est une insulte à leur intelligence. Mais pour qu’ils s’y engagent, avec une rémunération adaptée à cette activité nouvelle, il faut leur démontrer que cette activité, et sa prise en charge, peuvent se développer et devenir efficaces et d’une efficacité démontrée.

Nous disposons aujourd’hui en France d’une armée d’intervenants formés à ce type d’activité, prête à admettre le principe d’une rémunération « au projet » et soucieux de soumettre leur action à une évaluation précise.

Parmi les huit cent à mille acteurs des Comités d’Education pour la Santé, il suffit de sélectionner, pour une action concertée, les volontaires de la première campagne. Il ne faut pas envisager qu’ils se substituent au corps médical, mais faire qu’ils ouvrent la voie.
L’occasion du lancement des ARS, qui vont regrouper sous leur autorité, pour la première fois, les acteurs de soin et ceux de santé publique est une période idéale pour lancer cette opération exemplaire.

BIBLIOGRAPHIE

Structuration d’un programme d’éducation thérapeutique du patient dans le champ des maladies chroniques. Guide méthodologique. HAS Inpes 2007

Modèles, pratiques et évaluation de démarche d’éducation thérapeutique du patient : Synthèse d’actions. Inpes 2004

Evaluation du programme expérimental d’éducation thérapeutique mené par la Mutualité Sociale Agricole (MSA) Laboratoire de
pédagogie de la santé : éducation et observance Paris 13 2005 Duhamel G, Grass E

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Offres de formation diplômantes en France Promotion de la santé Education pour la santé Education thérapeutique du patient Inpes 2006

Prise en charge du Diabète : Diabète de type 1 de l’enfant et de l’adolescent HAS Mai 2006

Prise en charge du Diabète : Diabète de type 1 de l’adulte HAS Mai 2006

Prise en charge du Diabète : Diabète de type 2 HAS Mai 2006

HĂ©patite chronique C HAS Mai 2006

Insuffisance respiratoire chronique grave de l’adulte secondaire à une broncho-pneumopathie chronique obstructive HAS Octobre 2006

HĂ©patite chronique B Octobre 2006 Mosnier-Pudar H
Education thérapeutique : beaucoup de bruit pour rien ? Diabète éducation Décembre 2006 4 ; 16 : 1-2

Efficacité de la promotion de la santé Actes du colloque organisé par l’Inpes avec la collaboration de l’UIPES Inpes IUHPE/UIPES 2004 Simon D, Traynard PY, Bourdillon F, Grimaldi A

Education thérapeutique Prévention et maladies chroniques Masson Paris 2007

Broussouloux S, Houzelle-Marchal N Education à la santé en milieu scolaire Choisir et développer un projet Inpes 2006

La prévention en matière de santé Robert G, Rapport du Conseil économique et social Novembre 2003

Perrin-Escalon H, Hassoun J Ecole et santé : Constats et réflexions pour agir auprès des jeunes XVème journée de l’IPCEM

L’éducation thérapeutique en activité libérale IPCEM Paris 2006

source

UN TEXTE QUI ME PARAĂŽT FONDAMENTAL CAR EN MESURE DE POSER LES BASES D’UN AVENIR MOINS SOMBRE POUR UNE CERTAINE MASSO-KINÉSITHÉRAPIE (…Ă€ LA FRANCAISE) ; Ă€ LIRE, Ă€ RELIRE…ET Ă€ MEDITER!

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