EnquĂŞte “TMS et rachialgies chez les Masseurs-KinĂ©sithĂ©rapeutes en France”: de grotesques propositions

Posted by kineblog on February 19, 2008

kinésithérapie

Bon, je vous livre du lourd, du très lourd, du limite pénible:
…comme chacun sait, c’est souvent le cordonnier qui est le plus mal chaussĂ©…
(proverbe dĂ©rivĂ© d’une rĂ©flexion de Montaigne dans ses Essais)

Souvenez-vous (ou pas):
Novembre 2004, la revue KinĂ©-ActualitĂ© relayait un questionnaire initiĂ© par IUSTE - Service de Pathologie Professionnelle et de MĂ©decine du Travail HĂ´pital Civil Ă  Strasbourg…
AnimĂ© d’un fol espoir (celui de voir la pĂ©nibilitĂ© de mon travail exposĂ© au grand jour, pris en compte, enfin reconnu)… j’ai donc consciencieusement rempli et renvoyĂ© ma copie.
Les mois, puis les annĂ©es, passent sans autres nouvelles de cette “Ă©tude” que de très sporadiques et succints entrefilets dans KA.

Des Objectifs Ambitieux:
- Evaluer la fréquence des TMS chez les MK en France.
- Analyser l’influence des facteurs personnels, professionnels, extra professionnels.
- Evaluer l’impact professionnel de ces troubles.
- Identifier les stratégies d’adaptation.
- Proposer des mesures de prévention.

LES PRINCIPAUX RESULTATS

Caractéristiques générales
(n= 1344 sujets)
- 63 % d’hommes (vs 57 % dans la population des MK)
- Age moyen = 50 ans (vs 43)
- Ancienneté moyenne dans la profession importante : 23 ans (± 11)
- Durée hebdomadaire de travail très élevée : 50 heures/semaines heures (± 12)
- 87 % exercent en libéral (vs 78)
- 65 % ont une activité sportive régulière

NB: il faut noter que les 50 heures de travail relevĂ©es correspondent ici Ă  50 heures rĂ©ellement effectuĂ©es au contact du patient, ce ne sont donc pas de simples heures de prĂ©sence sur le lieu de travail (car si on s’aventure Ă  faire des comparaisons avec d’autres secteur d’activitĂ©, il faudra tenir compte du fait que certaines “35 heures” payĂ©es correspondent parfois Ă  une vingtaine d’heures rĂ©ellement effectuĂ©es… cafĂ©, discussions sur le film de la veille, sur les dernières ou les prochaines vacances, le caca du petit dernier, cafĂ©, diverses dĂ©ambulations, cafĂ©, Ă©changes de mail privĂ©, cafĂ©, horoscope sur internet, pause pipi, cafĂ©, rĂ©unions inutiles…).
Il faut aussi prendre en compte la durĂ©e des congĂ©s annuels et les arrĂŞts de travail (50 heures sur 48 semaines= 2400 heures/ans pour le MK libĂ©ral, Ă  comparer avec l’annĂ©e de travail d’un enseignant qui tourne plutĂ´t autour de 1200 heures/ans).

Principales plaintes somatiques sur les 12 derniers mois
- 58,8% Poignet/mains
- 66,4% Epaule
- 74% Nuque
- 76,3% Bas du dos
Retentissement Professionnel +++, avec réduction des activités de loisirs et de travail

NB: ça c’est plutĂ´t une bonne nouvelle pour les acteurs de la kinĂ© “mains libres”… et des arguments de vente aux petits oignons !

Facteurs psychosociaux
- 30% des répondants sont dans une situation de « Job strain » = demande psychologique forte et faible latitude décisionnelle.
- Plaintes chroniques de types rachialgies et algies des poignets sont très significativement plus fréquentes chez ceux présentant un niveau de stress au travail élevé et un niveau de satisfaction professionnelle faible.
- Répercussions professionnelles importantes (réduction d’activité, absentéisme plus important).

NB: il faut noter que la faible latitude dĂ©cisionnelle est ici librement consentie puisqu’elle rĂ©pond Ă  la simple nĂ©cessitĂ© (morale et rĂ©glementaire) d’effectuer correctement son travail… car la possibilitĂ© de s’affranchir des exigences Ă©thiques et des rĂ©glements existent !
La satisfaction professionnelle est d’autant plus faible que la pĂ©nibilitĂ© est forte et la rĂ©munĂ©ration ressentie comme insuffisante.

Contraintes physiques et facteurs de pénibilité
- Pour 54,6% ⇒ les exigences physiques du travail ont été cotées comme fortes
- 3 facteurs cités comme les plus pénibles :
1. Les contraintes posturales
2. Le nombre d’heures de travail effectuées
3. Des difficultés dans la gestion du temps

NB: le nombre d’heures de travail ne sera pourtant pas Ă©voquĂ© dans les conclusions de cette Ă©tudes et il faut noter que “les difficultĂ©s dans le gestion du temps” sortent du mĂŞme tonneau: les MK sont “payĂ©s Ă  la pièce”…
Une question pertinente serait: pourquoi travaillent-ils autant?

Stratégies d’adaptation
- modification de la façon de travailler 70%
- modifier l’ergonomie du cabinet 52%
- developpement d’autres compĂ©tences 45,6%
- réduction ou refus de visite à domicile 44,6%
- limiter ou refuser de prendre en charge les patients lourds (SEP…) 39,8%
- limiter ou refuser de prendre en charge les patients obèses ou agités 34,7%
- rĂ©duction du travail manuel (massages…) 29,2%
- 7% on du quitter le métier

NB: je crains que certaines questions aient Ă©tĂ© mal posĂ©es: “modification de la façon de travailler” n’est certainement pas synonyme d’adopter d’autres gestes et postures…
On remarque que le domicile est très clairement ressenti comme un facteur de pĂ©nibilitĂ© (la prise en charge des patients “lourds”- au sens de quantitĂ© de travail, de prĂ©sence, de continuitĂ© des soins-, des agitĂ©s -au sens de “dĂ©ments”, est effectuĂ©e principalement Ă  domicile).

Information pendant les Ă©tudes
80% des répondants disent n’avoir eu aucune information sur :
- Les risques d’usure de leur organisme
- L’ergonomie du matériel et du mobilier au cabinet
- L’ergonomie des postures de travail

NB: ça c’est plutĂ´t amusant: la biomĂ©canique est pourtant une des matières fondamentale (au mĂŞme titre que l’anatomie ou que la physiologie) de l’enseignement dispensĂ© dans les IFMK!!!
Je pense donc que la question a Ă©tĂ© mal posĂ©e…

Discussion : représentativité de l’échantillon
- 1344 cas
- Echantillon non représentatif de la population nationale des MK (en terme âge, sexe, mode d’exercice)
- Prudence sur l’extrapolation des résultats à l’ensemble des MK exerçant en France
- Néanmoins, résultats concordants avec les autres études publiées

NB: c’est louable, mais une sur-reprĂ©sentation masculine de 7%, 7 ans de + d’âge moyen, et 9% de salariĂ©s surnumĂ©raires, sur un Ă©chantillon de 1344 cas, ne me semble pas monstrueusement non-reprĂ©sentatif !

Une pathologie émergeante chez les MK: la rhizarthrose ou arthrose trapézométacarpienne
La rhizarthrose dans notre enquĂŞte:
- En majorité des hommes (56,4 %)
- Moyenne d’âge plus élevée (57,5 ans vs 50 ans, p < 0,001)
- Ancienneté plus élevée aussi (31 ans vs 24 ans, p <0,001)
- Pas de différence statistiquement significative entre fréquence de la rhizarthrose et le mode d’exercice, la durée hebdomadaire de travail ou l’activité sportive
- Retentissement professionnel majeur : modification de la façon de travailler, réduction du travail manuel, refus de certains patients etc …

NB: … de la rhizarthrose idiopathique?

Propositions d’amélioration:

Alors lĂ , tenez-vous bien (ou asseyez-vous)… et je prĂ©fère vous laissez le soin de dĂ©couvrir par vous-mĂŞme le rĂ©sultat de ce maigre jus de cervelles en lisant (contemplant) la page 11 du pdf original (très mal foutu, digne d’un travail d’Ă©lève de seconde pas très douĂ©) intitulĂ©:
Une enquête nationale auprès de 1344 cas
NB: pour ma part, j’avoue que j’ai rĂ©ussi Ă  Ă©viter la grosse catastrophe (celle qui nĂ©cessite de changer de slip et de futal)… mais de très peu!

Conclusions
- Enquête nationale = 1ère étape d’une démarche de prévention.
- Devra être complétée par d’autres études avec des groupes comparatifs et avec une analyse ergonomique du métier.
- Fréquence très importante des plaintes.
- Pathologie émergeante : rhizarthrose, études à poursuivre, pas de reconnaissance dans le cadre d’un Tableau de MP, MCP à faire.

NB: Petit Rappel Des Ambitieux Objectifs:
- Evaluer la fréquence des TMS chez les MK en France: OK
- Analyser l’influence des facteurs personnels, professionnels, extra professionnels: faiblement traité
- Evaluer l’impact professionnel de ces troubles: partiellement traité, pas de données sur les AT
- Identifier les stratégies d’adaptation: traité dans le désordre
- Proposer des mesures de prévention: simplement grotesque

(… et on regrette l’absence de publication du questionnaire initial)

Ma conclusion: 50 heures de travail “rĂ©el”, Ă  la chaine, ça flingue, c’est très simple Ă  comprendre!

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