du dĂ©sir Ă  la rĂ©pulsion… vieillir

Posted by kineblog on November 18, 2007

kinésithérapie

TrouvĂ© ce texte, parfaite et Ă©clairante mise en mots du paradoxe de la “jeune et dynamique” profession de masseur-kinĂ©sithĂ©rapeute qui, alors mĂŞme que confrontĂ©e de plus en plus souvent Ă  la dĂ©chĂ©ance du grand âge, Ă  soutenir, faire perdurer, Ă  accompagner, amortir, et adoucir la perte inĂ©luctable des capacitĂ©es fonctionnelles qui constituent une grande partie des moyens de notre “humanitude”, persite pourtant Ă  se croire actrice de la bonne santĂ© alors mĂŞme que de toute Ă©vidence son rĂ´le rĂ©el, de plus en plus prĂ©gnant, son futur, est inĂ©luctablement dans l’accompagnement Ă©clairĂ© des consĂ©quences du vieillissement…
… je crois utile de rappeler qu’il est nĂ©cessaire de cliquer sur “Lire l’article complet”, soulignĂ© en rouge ci-dessous, pour prendre connaissance du reste de l’article… (je sais, ça craint!)

PlutĂ´t que de rechercher la valorisation de ses actes les plus pĂ©nibles (bien souvent très “techniques”), et certainement les plus humainement “engageants”, notre profession persiste Ă  se projeter dans le champ de la beautĂ©, du bien-ĂŞtre et du sport, un champ proprement commercial… donc logiquement dĂ©jĂ  fort occupĂ© par d’autres acteurs.
Je prĂ©dis un dur retour Ă  la rĂ©alitĂ© (car mal/pas prĂ©parĂ©), ou bien la lente dĂ©rĂ©liction de la seule profession qui Ă©tait pourtant en mesure de prendre en charge “”manuellement” les consĂ©quences, très individuelles, d’une pyramide des âges très Ă©loquente.

Du désir à la répulsion : le syndrome de Tithon
Jean MAISONDIEU Psychiatre des Hôpitaux, Centre clinique de Psychothérapie, Poissy.
07/11/2007
Texte paru dans Psychiatrie française, n°2, 2002

Eos, dĂ©esse de l’aurore Ă©tait fort belle et sa beautĂ© n’était pas altĂ©rĂ©e par le passage du temps. Son charme et sa jeunesse Ă©ternelle provoquèrent la jalousie d’Aphrodite. La dĂ©esse de l’amour la condamna Ă  connaĂ®tre des passions itĂ©ratives et passagères, faisant d’elle une insatiable nymphomane. Nombreuses, ses aventures se passaient plutĂ´t avec des gens de son monde, dieux et demi-dieux. Mais un jour elle s’éprit d’un homme, un superbe guerrier troyen du nom de Tithon. PoussĂ©e par son dĂ©sir et ne voulant pas perdre son amant, elle demanda Ă  Zeus de lui accorder l’immortalitĂ©, ce privilège des dieux. Elle obtint satisfaction, Tithon devint immortel. Malheureusement pour le couple, Eos avait omis de demander qu’il bĂ©nĂ©ficie Ă©galement de l’éternelle jeunesse. Elle se retrouva donc au bout de quelque temps avec un partenaire vieilli et dĂ©crĂ©pi qui, non seulement ne lui inspirait plus aucun dĂ©sir, mais en plus provoquait chez elle une rĂ©pulsion d’autant plus vive qu’elle savait maintenant qu’il ne mourrait jamais. Parce que cela lui Ă©tait devenu insupportable, elle le mĂ©tamorphosa en cigale. Certes, il restait vivant et elle ne pouvait l’ignorer. Mais, rĂ©duit Ă  la taille minuscule d’un insecte, il restait quasiment invisible. Cependant pour ĂŞtre bien sĂ»re de ne pas ĂŞtre incommodĂ©e par sa vue, elle le sĂ©questra dans une pièce close… La lĂ©gende ne dit pas si elle entendait tout de mĂŞme l’appel Ă  l’amour de ses craquètements.… /

/… Le choc qui, du monde de la sĂ©duction (celui du dĂ©sir et de la pulsion), fait basculer dans le monde de l’abjection (celui du dĂ©goĂ»t et de la rĂ©pulsion), rĂ©sulte de la rencontre, en fait inĂ©vitable entre le rĂŞve d’immortalitĂ© portĂ© par la jeunesse et la rĂ©alitĂ© de la finitude incarnĂ©e par la vieillesse. Il rĂ©sulte du clivage mensonger qui sĂ©pare l’humanitĂ© entre ces deux catĂ©gories que sont les jeunes qui ont le droit et la possibilitĂ© d’aimer, et les vieux rĂ©duits Ă  la portion congrue de la pitiĂ©. Si ce changement de statut laisse la vie sauve au vieillard (car elle peut conduire au suicide), il ne lui laisse en effet pas d’autre solution pour survivre. N’ayant plus l’heur de plaire Ă  ses semblables, il lui faut ĂŞtre pitoyable Ă  dĂ©faut de sĂ©duire. Il ne leur parle pas, il n’a plus droit au mot. Il leur tend des symptĂ´mes pour mendier un peu d’humanitĂ©. Et ceux qui l’entourent le prennent en pitiĂ©, c’est le moyen qu’ils ont trouvĂ© pour s’en dĂ©parquer tout en prenant soin de lui. Ni lui ni les autres ne veulent vraiment se rendre compte que la pitiĂ© les sĂ©pare autant qu’elle les rapproche. Mur de la honte qui partage les vivants et les morituri, la pitiĂ© participe de l’amour et de la haine. Elle est un compromis boiteux entre le dĂ©sir qui rapproche et la rĂ©pulsion qui Ă©loigne. Et dans l’intervalle entre les deux, il n’y a de place que pour un corps animal que se partagent sans parler l’aidant et l’aidĂ© car si les yeux parlent sans mentir, les mots se refusent Ă  dire le dĂ©goĂ»t. Ce corps qui s’offre aux soins, faute d’inspirer du dĂ©sir doit rester dĂ©goĂ»tant pour continuer Ă  provoquer la pitiĂ©. C’est pour cela que la sĂ©nilitĂ© s’inscrit, sinon Ă©ternellement comme pour Tithon, du moins interminablement, dans la chronicitĂ© d’une dĂ©pendance irrĂ©versible qui tient misĂ©rablement lieu d’immortalitĂ© Ă  la gĂ©nĂ©ration papy.

Lire le superbe texte complet sur le site de l’Institut de Recherche sur l’Ă©conomie du vieillissement

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